Appropriation culturelle ou
métissage ?
Tout
porte à croire qu’après plusieurs mois, la controverse entourant les spectacles
Slāv et Kanata n’est pas près de s’apaiser, et pour cause. Tout comme la
fameuse boîte de Pandore qui, une fois ouverte, répand son contenu maléfique,
le couvercle enlevé sur la marmite culturelle nous fait voir tous les dangers qu’encourt
une société de plus en plus basée sur l’ethnicité.
Je n’en
veux pour preuve que la critique de Steve Bergeron du nouveau Slāv (LeDroit 17/01) dans laquelle les
six choristes du spectacle ne sont désignées que par la couleur de leur peau.
Rappelons qu’il ne s’agit pas d’une étude de Statistique Canada, mais bien d’un
spectacle relevant de l’art théâtral. Inquiétant.
En
effet il est inquiétant de constater que l’art, qu’on voulait libre, est
désormais soumis à des directives raciales et que dans un monde où l’on veut la
libre circulation, la culture de chacun peut être entourée de clôtures. Comment
en est-on arrivé là ? Trois pistes à explorer.
La
première mène vers la culture. Terme surutilisé s’il en est, la culture a
l’avantage et l’inconvénient qu’on peut lui faire dire et faire tout et son
contraire. Bienfaisante lorsqu’elle véhicule ce que l’humanité a produit de
meilleur, maléfique entre les mains des pouvoirs plus ou moins autoritaires qui
la mettent au service de leur idéologie. La grande révolution culturelle
chinoise qui a fait des centaines de milliers de victimes, est bon exemple.
Heureusement,
nous n’en sommes pas là, mais sans être dictatoriaux, tous les pouvoirs
utilisent la culture à des fins idéologiques. Au Canada cela se passe par le multiculturalisme.
C’est la seconde piste.
Inspiré
sans doute par de nobles sentiments, une fois mis en usage, le multiculturalisme
officiel a servi de justification à bien des débordements. Le dernier en date
est le concept de l’appropriation culturelle, origine de la présente
controverse. À bien écouter les tenants de cette thèse, on a l’impression qu’elle
s’oppose de front au métissage culturel qui est à l’origine des plus grandes
civilisations. Songeons seulement à tout ce que l‘œuvre de Shakespeare doit aux
cultures des autres. Entre autres emprunts, une très grande partie de ses
pièces sont basées sur des histoires venant d’ailleurs, parfois de très loin.
Enfin,
il faut s’inquiéter du dirigisme de plus en plus évident de l’État qui
subventionne l’art. Le Conseil des arts du Canada a beau être indépendant en
principe, ses directives concernant l’encadrement de l’appropriation culturelle
suivent de près l’idéologie gouvernementale. Ce n’est certainement pas de la
censure, mais les structures de la production artistiques de ce pays font en
sorte que sans soutien gouvernemental certaines formes d’art ne peuvent pas
être produite. Or, une société libre et démocratique ne peut se passer de la
liberté artistique, même lorsque l’art dérange ou choque.
Que
serions-nous sans des pièces de théâtre comme les Belles-Sœurs ou Les fées
ont soif lesquelles, lors de leur création, ont fait face à des oppositions
tout aussi indignées que celles d’aujourd’hui.
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