Maintenant que
journaux et radios se sont mis à s’intéresser, qui à la campagne électorale
québécoise, qui au sort de l’Ukraine et de la Crimée, qui à la Boeing 777
disparue, on peut peut-être essayer de réfléchir sur un sujet qui ne semble
avoir été traité que par des slogans. Je veux parler de ce que certains appelle
«la culture de viol» qui imprègnerait non seulement le campus de l’Université
d’Ottawa mais aussi ceux d'autres universités du pays, voire toute la
société.
Rappelons que, d’une
part, aucune accusation n’a encore été portée contre des membres de l’équipe de
hockey de l’Université d’Ottawa et, d’autre part, la conversation privée
de cinq étudiants, pour ordurière qu’elle ait été, ne tombe sous aucune loi. Qu’à
cela ne tienne, journaux et radios se sont lancés dans une campagne de
dénonciation d’individus qui est vite devenue une croisade contre la «culture
de viol». Or, il n’y a aucune preuve que des dizaines de milliers d’étudiants
mâles de l’Université d’Ottawa, ou d’autres universités, soient des violeurs
potentiels. Alors pourquoi cette montée aux barricades ?
Afin que la vertu,
propre à chaque société et à chaque époque, triomphe, il faut des mécréants
débusqués et punis. Ils servent de repoussoir car leur caractère ignoble
insuffle le dégoût et la terreur du mal, tout en renforçant l’autosatisfaction
des justes. Le pilori est l’instrument désigné pour produire ce double effet.
Contrairement la
prison où le délinquant est à l’abri des regards, le pilori est par définition
publique. Le poteau qui n’existe plus physiquement, est avantageusement
remplacé par des média professionnels et sociaux. Plus besoin de procédures
judiciaires longues, d’avocats de la défense pointilleux ou de présomption
d’innocence. Dénoncé, vous êtes un mécréant. C’est ainsi qu’on a vu un maire de
Montréal forcé de démissionner, car un témoin (qui plus tard s’est avéré être
un menteur) l’a mis en cause sans aucune preuve devant une Commission
d’enquête.
Tous les membres
d’une équipe de hockey ont été mis au pilori sur simple dénonciation d’une
tierce personne, alors que même les soupçons ne pèsent que sur certains d’entre
eux. Un pilori collectif est bien mieux.
Même la Chancelière
s’est laissée emporter par la rhétorique de la «culture de viol», contrairement
au Recteur qui, heureusement, s’est refusé à utiliser le terme.
De tout temps le
théâtre s’est intéressé aux personnages mis au pilori. De Prométhée cloué au
rocher aux sorcières de Salem en passant par Kent mis aux ceps dans Lear, la vue
d’une personne bafouée sans jugement légitime rappelle aux spectateurs leurs
devoirs de justice. Une bonne pièce sur les hystéries collectives nous
changerait du «théâtre identitaire» qui règne sur nos scènes en roi et maître.
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